En prévision du concert Acis & Galatea du 19 novembre prochain à la Salle de concert du Conservatoire, nous vous proposons la note de programme rédigée par François Filiatrault.

 

[blockquote text= »Ce petit chef-d’œuvre de poésie et de musique, où se déroulent les tableaux riants et élégiaques de la belle légende sicilienne, est d’une perfection classique, que Haendel n’a jamais dépassée.

– Romain Rolland, Haendel, 1910. » text_color= » » width= »75″ line_height= »undefined » background_color= » » border_color= » » show_quote_icon= »yes » quote_icon_color= » »]

Au début du XVIIIe siècle, James Brydges, comte de Carnavon et duc de Chandos, avait érigé à Cannons, non loin de Londres, une somptueuse résidence. Les bonnes grâces de la reine Anne et du duc de Marlborough l’avaient fait nommer trésorier-payeur général des armées durant la guerre de Succession d’Espagne; ce poste ainsi que des spéculations dans la Compagnie des mers du Sud lui avaient permis d’amasser une fortune colossale. « Few German sovereign Princes live with that magnificence, grandeur and good order », écrivait John Macky en 1722 dans son A Journey through England : la demeure de Cannons abritait cent vingt « persons in family » et une garde suisse, dans un luxe encore jamais vu en dehors de la Cour.

George Frideric Handel

George Frideric Handel

Princely Chandos, comme le surnommaient ses contemporains, employait un petit ensemble de musiciens : un chœur d’hommes et de garçons, qui non seulement chantait aux offices de la chapelle du château mais aussi « entertained him while at table », et un petit orchestre comprenant des cordes sans alto et deux instrumentistes à vent jouant les flûtes à bec et les hautbois. C’est John Christopher Pepusch qui depuis 1712 dirigeait la musique du duc et, parmi les musiciens, on remarquait les noms de George Monroe, claveciniste, d’Alessandro Bitti, premier violon, et de Francesco Scarlatti, frère d’Alessandro et oncle de Domenico Scarlatti.

Vers 1717, George Frideric Handel – selon l’orthographe de son nom que le maître a adoptée en Angleterre – se rendit à Cannons à l’invitation du duc. Il y demeura un peu plus d’un an comme compositeur en résidence, sans obligation aucune, et ce séjour le reposa sans doute des combats qu’il commençait à livrer pour imposer ses opéras italiens sur les scènes londoniennes. Il y composa des pièces de clavecin, termina les six concertos de l’Opus 3 et offrit à son hôte une série de onze anthems à être chantés dans la chapelle du château, ensemble connu sous la désignation de Chandos Anthems. Il mit également à profit les ressources musicales de Cannons dans un petit opéra biblique, Haman and Mordecai — qu’il refondra plus tard dans son oratorio Esther —, et dans le masque pastoral Acis and Galatea, représenté au printemps de 1718.

Au début du XVIIIe siècle, James Brydges, comte de Carnavon et duc de Chandos, avait érigé à Cannons, non loin de Londres, une somptueuse résidence. Les bonnes grâces de la reine Anne et du duc de Marlborough l’avaient fait nommer trésorier-payeur général des armées durant la guerre de Succession d’Espagne; ce poste ainsi que des spéculations dans la Compagnie des mers du Sud lui avaient permis d’amasser une fortune colossale. « Few German sovereign Princes live with that magnificence, grandeur and good order », écrivait John Macky en 1722 dans son A Journey through England : la demeure de Cannons abritait cent vingt « persons in family » et une garde suisse, dans un luxe encore jamais vu en dehors de la Cour.

Princely Chandos, comme le surnommaient ses contemporains, employait un petit ensemble de musiciens : un chœur d’hommes et de garçons, qui non seulement chantait aux offices de la chapelle du château mais aussi « entertained him while at table », et un petit orchestre comprenant des cordes sans alto et deux instrumentistes à vent jouant les flûtes à bec et les hautbois. C’est John Christopher Pepusch qui depuis 1712 dirigeait la musique du duc et, parmi les musiciens, on remarquait les noms de George Monroe, claveciniste, d’Alessandro Bitti, premier violon, et de Francesco Scarlatti, frère d’Alessandro et oncle de Domenico Scarlatti.

James Brydges, comte de Carnavon et duc de Chandos

James Brydges, comte de Carnavon et duc de Chandos

Vers 1717, George Frideric Handel – selon l’orthographe de son nom que le maître a adoptée en Angleterre – se rendit à Cannons à l’invitation du duc. Il y demeura un peu plus d’un an comme compositeur en résidence, sans obligation aucune, et ce séjour le reposa sans doute des combats qu’il commençait à livrer pour imposer ses opéras italiens sur les scènes londoniennes. Il y composa des pièces de clavecin, termina les six concertos de l’Opus 3 et offrit à son hôte une série de onze anthems à être chantés dans la chapelle du château, ensemble connu sous la désignation de Chandos Anthems. Il mit également à profit les ressources musicales de Cannons dans un petit opéra biblique, Haman and Mordecai — qu’il refondra plus tard dans son oratorio Esther —, et dans le masque pastoral Acis and Galatea, représenté au printemps de 1718.

Synthèse de l’esprit britannique et de la lumière du Sud, l’œuvre, qui laisse aux récitatifs la part congrue, manifeste une parfaite compréhension de la poésie anglaise. Les moyens plutôt limités de l’orchestre du duc — les instrumentistes à vent jouait au besoin les flûtes à bec ou les hautbois, c’est pourquoi ils n’apparaissent pas simultanément dans l’œuvre — furent loin de freiner le génie de Handel; au contraire, ils lui permirent de créer une oeuvre élégiaque, riante, pleine de spontanéité et de légèreté pastorale. Après avoir remanié son ouvrage en 1732 d’une façon assez bâtarde, en y mêlant d’autres musiques sur des textes italiens, Handel est revenu à la version de Cannons pour sa publication par John Walsh en 1743.

L’ouverture, mouvement de concerto grosso avec solos de hautbois, introduit directement le premier chœur, où l’on entend les bourdons — la note tenue par les basses — des cornemuses des bergers de Calabre ou de Sicile. Galatée fait son entrée avec un bird song et Polyphème n’apparaît que dans la seconde partie, avec une énormité plus bouffonne qu’épouvantable. Le chœur qui avertit les amants du danger commence dans le style fugué ancien, comme pour signifier la sévérité du destin qui les attend, puis il décrit les enjambées et l’apparence du géant par des accords et des masses mouvantes accompagnées de « giant roars ». Le sommet de l’œuvre reste sans contredit le trio « The flocks shall leave the mountains », où la calme détermination des jeunes amants s’oppose dans un saisissant contraste à la rage meurtrière de Polyphème. Rien de tragique n’accompagne pourtant la mort d’Acis, puisque la magie de Galatée le rendra immortel en le métamorphosant en une source d’eau pure.

La magnifique partition d’Acis and Galatea nous montre bien que la transparence, la sensualité raffinée et la tendresse sont tout aussi caractéristiques de l’art de Handel que la grandeur épique et la majesté dramatique de ses grands oratorios. Mais, quels que soient les moyens qu’il emploie, partout nous frappe et nous ravit l’indéfectible générosité de ce grand musicien européen.

© François Filiatrault, 2015

 

Acis & Galatea par Les Boréades de Montréal

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