Chers amis mélomanes,

Pour ce deuxième concert de la saison, mais premier de notre série « Mignardise », je jouerai à la flûte traversière deux sonates italiennes conçues pour le violon mais qui ne perdent rien à la transcription, et deux prévues l’une pour divers instruments rustiques et l’autre pour la traversière elle-même, programme que complèteront quelques brillantes sonates pour clavecin de Scarlatti… Mignardise? « En peinture, la mignardise désigne un soin exagéré dans l’exécution. En botanique, la mignardise est un œillet. Dans la mode, la mignardise est une soutache enjolivée. En pâtisserie, la mignardise est un mets sucré, petit gâteau ou friandise, servi en fin de repas et qui accompagne souvent le café et les liqueurs. »

Bon concert!

Francis Colpron

 

[vc_separator type=’normal’ position=’center’ color= » thickness=’3′ up= » down= »]

 

 

[blockquote text= »La sonate doit toujours chercher à plaire, pour s’accommoder aux goûts de tous les auditeurs et bien les satisfaire. Un mélancolique y trouvera du triste et du plaintif sous diverses formes, celui qui cherche le plaisir, quelque chose de gracieux, et un colérique, de la passion. C’est ce que le compositeur doit garder à l’esprit dans ses adagios, andantes et autres prestos. Ainsi, il accomplira sa tâche.

Johann Mattheson
Der vollkommene Capellmeister, 1739.
 » text_color= » » width= »75″ line_height= »undefined » background_color= » » border_color= » » show_quote_icon= »yes » quote_icon_color= » »]

 

Le modèle de la sonate mis de l’avant par Arcangelo Corelli à la fin du XVIIe siècle allait s’imposer rapidement dans toute l’Europe. Conçue au départ pour le violon, elle peut se présenter « en trio », c’est-à-dire avec deux solistes et basse, ou pour un soliste et basse; alors que le premier genre permet un jeu contrapuntique minimal entre les protagonistes, le second donne libre cours à plus de virtuosité et à davantage d’expression. Encore proche de la suite, la sonate se divise alors en quatre ou cinq mouvements distincts, alternativement lents et vifs, de coupe binaire, et qui épousent souvent les rythmes de diverses danses.

S’ils tendent à adopter dans leurs sonates un style international dérivé de l’Italie, les compositeurs n’abandonnent pas toutefois les particularités de leurs contrées respectives. De plus, s’éloignant progressivement de l’écriture propre au violon, ils adapteront le genre aux instruments à vent, nouvellement perfectionnés par les Français, et particulièrement à la flûte traversière. À cet égard, pour satisfaire aux talents variés des amateurs, les éditeurs indiquent sur les pages de titre de leurs nombreux recueils de sonates que celles-ci peuvent convenir à tous les instruments, ou presque, en plus de celui éventuellement spécifié. L’interchangeabilité est parfois possible, mais, quand on constate les adaptations plus ou moins nombreuses que ces substitutions demandent, il s’agit souvent d’une mention visant à augmenter le chiffre d’affaires…

À partir de la fin du XVIIe siècle, la flûte traversière connaît un essor et une popularité qui l’amèneront en moins d’un siècle à détrôner la flûte à bec dans la faveur des musiciens et du public. Sa facture change considérablement : les Français lui donnent une forme légèrement conique et étendent son ambitus. Elle se présente bientôt en trois, puis quatre, sections ajustables et comporte une clé pour boucher un septième trou. Bientôt, par le travail conjoint des compositeurs, des interprètes et des facteurs, l’instrument recevra au cours du XVIIIe siècle d’autres transformations qui augmenteront ses possibilités et faciliteront son jeu, notamment dans le grave, sans toutefois modifier profondément sa nature.

Bien que sur la page de titre de nombreux recueils de sonates la traversière soit parfois proposée en remplacement du violon, elle se dote rapidement de son répertoire propre. Elle est aidée en cela par la vogue des instruments champêtres qui sévit à l’époque; à la fois simple et extrêmement raffinée dans ses possibilités expressives, la traversière répond à ce goût pour l’univers des bergers et pour tout ce qu’il évoque, dans l’imaginaire du temps, de tendresse, de grâce et d’ingénuité naturelles.

Francesco Geminiani

Francesco Geminiani figure parmi les nombreux violonistes et compositeurs italiens qui ont fait carrière en dehors des frontières de leur pays natal. Élève à Rome de Corelli, il arrive en Angleterre en 1714, et la légende veut qu’il ait joué peu après devant George Ier accompagné par Haendel. En 1716, il publie à Londres un premier recueil de XII Solos for a Violin with a Thorough Bass, qui reparaîtront en 1739 dans une édition révisée et ornée. À partir de 1730, il partage son temps entre Londres et Dublin, formant de nombreux disciples, rédigeant d’importants traités pédagogiques et composant une œuvre relativement modeste et uniquement instrumentale. Son jeu au violon ne laissait pas d’étonner et on le traitait volontiers de « furibondo ». Si elles n’ont pas la sérénité olympienne de celles de son ancien maître, ses sonates sont extrêmement travaillées et demandent un grand sens dramatique.

Originaire de Florence, Francesco Maria Veracini étudie d’abord avec son oncle, avant de se rendre à Venise en 1711. Toute sa vie, il voyage un peu partout en Europe, notamment à Londres et à Düsseldorf, où il organise des concerts et fait chanter ses oratorios et ses opéras, tout en passant périodiquement par Florence. Appelé à Dresde en 1716, il y publie ses douze Sonate a Violino solo e Basso opus 1, qu’il dédie au fils de l’électeur de Saxe et roi de Pologne. C’est là que, à la suite d’une cabale ourdie par des musiciens jaloux de ses émoluments, jugés exorbitants, il se jettera du haut d’une fenêtre, geste heureusement sans grave conséquence, avant de quitter Dresde en 1722.

En 1737, la veuve Boivin fait paraître à Paris sous le nom d’Antonio Vivaldi un recueil au titre italien, Il Pastor fido (Le Berger fidèle), longtemps considéré comme l’Opus 13 du compositeur. Ses six sonates, qui peuvent se jouer aux instruments rustiques alors à la mode que sont la musette et la vièle à roue tout autant qu’aux différents types de flûtes, sont en réalité de Nicolas Chédeville, musicien du roi, hautboïste de la Grande Écurie et joueur de musette à l’Opéra. Les sonates d’Il Pastor fido, avec leur allure dansante, leurs motifs courts et bien troussés, relèvent tout à fait du goût champêtre que lui et ses contemporains affectionnaient. L’attribution du recueil à Vivaldi demeure mystérieuse et l’hypothèse de l’emploi de thèmes empruntés au Vénitien, bien fragile.

Johann Joachim Quantz

Bien que considéré comme un des plus grands flûtistes de son temps, tant comme interprète que comme compositeur, Johann Joachim Quantz a appris l’instrument sur le tard. Il s’est d’abord familiarisé, dans sa ville natale de Mersebourg, avec le violon, le hautbois et le clavecin. En 1716, il est un temps hautboïste à Dresde au service de l’Électeur de Saxe et roi de Pologne Auguste II, avant de gagner Vienne pour étudier l’écriture auprès de Fux et de Zelenka. C’est revenu À Dresde qu’il se met à la flûte traversière, après avoir entendu les prouesses du flûtiste français Gabriel Buffardin; en plus d’en connaître à fond tous les secrets, il apportera au long de sa vie de nombreux perfectionnements techniques à l’instrument. À partir de 1728, il se rend deux fois l’an à Berlin enseigner au prince héritier de Prusse. À son accession au trône en 1740 sous le nom de Frédéric II, celui-ci le prend à son service; pendant trois décennies, Quantz organisera les concerts quotidiens du roi flûtiste à Berlin, Potsdam et Sans Souci, et composera pour lui quelques centaines de concertos et de sonates qui firent de leur instrument commun un protagoniste essentiel du style galant.

© François Filiatrault, 2018

 

 

[blockquote text= »De la suite, Domenico Scarlatti garde les rythmes et la coupe binaire des mouvements de danses. C’est tout. Hormis cinq fugues et quelques sonates isolées, toutes ses œuvres ont été scellées dans un mouvement unique à deux volets. D’aucuns lui ont donné le nom de sonate, Scarlatti, lorsqu’il en a livré trente à l’imprimeur vers 1729, les a intitulés Essercizi. Non pas des exercices pour les novices, mais bien plus des Études au sens où l’entendront un Chopin ou un Debussy. Quelques thèmes empruntés à l’Italie du Sud, au folklore de l’Espagne, quelques rythmes pris aux guitaristes, une écriture permanente à deux voix, mais qu’il pimente à plaisir d’agaceries, de brusqueries dont il se fait le créateur. (…) Au sujet rythmique, Scarlatti oppose l’idée mélodique. Le thème qui lance le rythme dévale le clavier et rebondit à la main gauche. Il s’arrête pourtant net quelques mesures plus loin et donne la parole au sujet plastique, souvent chromatique, dont le profil contraste avec le précédent et qui est accompagné d’accords plaqués, drus et chauds. Une idée est-elle émise, elle donne matière à une foule de combinaisons. Morcelés, brisés, reconstitués en tout ou en partie, ces thèmes alimentent une série de développements concis.

Norbert Dufourcq,
Le Clavecin, 1949.
 » text_color= » » width= »100″ line_height= »undefined » background_color= » » border_color= » » show_quote_icon= »yes » quote_icon_color= » »]

 

FRANCIS COLPRON ET LES BORÉADES INTERPRÈTENT SCARLATTI

[vc_separator type=’transparent’ position=’center’ color= » thickness=’15’ up= » down= »]

[vc_separator type=’transparent’ position=’center’ color= » thickness=’15’ up= » down= »]