Avant-propos

Le 3e concert de la 18e saison des Boréades, Contrebasse viennoise classique, sera présenté le jeudi 6 mars prochain à 20 h à la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal. Nous rendons disponible préalablement au concert la note de programme rédigée par François Filiatrault qui accompagne ce concert. Bonne lecture!

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Musique de chambre

[dropcaps type=’circle’ color= » background_color=’#005595′ border_color= »]P[/dropcaps]ar leur structure, leur taille, le nombre de leurs cordes et l’accord de celles-ci, les contrebasses construites durant les époques baroque et classique ont montré des différences très marquées. Même aujourd’hui, et contrairement au violon et au violoncelle, l’instrument n’a pas fixé de façon définitive tant ses dimensions que sa forme. Au-delà de cette diversité cependant, on rencontrait deux grandes familles de contrebasses. La première, issue du violone italien, qui pouvait comporter de trois à six cordes, conserve encore de nos jours plusieurs caractéristiques des instruments de la famille des violes de gambe, avec un dos plat et des épaules tombantes, tandis que les contrebasses italiennes, à dos bombé, ressemblent davantage à de gros violoncelles. Notons que la tenue de l’archet n’est pas liée au type d’instrument employé. Elle peut se faire par-dessus, ou à la française, comme pour le violoncelle, ou par-dessous (ou plutôt sur le côté), à l’allemande, chaque tenue comportant ses avantages et ses difficultés propres.

Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, comme l’explique le contrebassiste David Sinclair, « les contrebassistes viennois se servaient d’une contrebasse spéciale à cinq cordes munies de frettes leur permettant un jeu virtuose. Le secret de ce succès était un accord particulier : fa – la – ré – fa # – la ». La contrebasse quitte alors de plus en plus souvent son rôle traditionnel de soutien de l’orchestre ou de doublure du violoncelle à l’octave inférieure, et plusieurs compositeurs écrivent pour elle des concertos, dont les plus connus aujourd’hui sont ceux de Carl Ditters von Dittersdorf. Selon Roland de Candé, c’est l’époque où on « s’aperçut heureusement que [ses] passages de virtuosité pouvaient être spectaculaires, [ses] sons aigus fort beaux et [ses] harmoniques naturels tout à fait excellents ».

Dans la musique de chambre, les musiciens désignaient par le terme de basso la ligne la plus grave de la composition et il faudra attendre le développement du quatuor à cordes, à partir des années 1780, pour que le violoncelle soit spécifiquement désigné pour en tenir le rôle. On pouvait donc jouer la partie de basse avec ce dernier mais aussi avec une contrebasse, ou encore avec les deux instruments.

Né en Bohême en 1739, [highlight color= » background_color=’#005595′]Johann Baptist Vanhal[/highlight] vécut la majeure partie de sa vie à Vienne comme musicien indépendant, ayant toujours refusé les postes officiels que lui offrirent Joseph II et l’électeur de Saxe. Son œuvre, considérable, ainsi que son activité pédagogique ont contribué à l’établissement du style classique viennois. Il fréquentait les grands musiciens de son temps, comme en témoigne le chanteur Michael Kelly, qui rapporte dans ses mémoires avoir assisté à une soirée de quatuors dans la capitale impériale en 1784, avec Haydn et Dittersdorf aux violons, Mozart à l’alto et Vanhal au violoncelle.

[highlight color= » background_color=’#005595′]Karl Joseph Toeschi[/highlight] est né à Ludwigsburg en 1731; fils du violoniste de la cour de Mannheim Alessandro Toeschi, il sera l’élève de Johann Stamitz. À part de fréquents séjours à Paris, où il se produisit au Concert spirituel, il vécut en Allemagne comme violoniste, konzertmeister et compositeur rattaché à ce qu’on nomme aujourd’hui l’école de Mannheim, qui allait contribuer puissamment au développement de la symphonie et de la musique de chambre classiques.

Extraordinaire virtuose de la contrebasse, [highlight color= » background_color=’#005595′]Johann Matthias Sperger[/highlight] a été également un compositeur extrêmement prolifique, laissant 18 concertos pour son instrument, à côté de symphonies et de quatuors à cordes. Il fit carrière à Vienne, Presbourg et Ludwigslust, faisant de nombreuses tournées en Allemagne et en Italie du Nord. Dans plusieurs de ses œuvres, il s’est réservé des passages extrêmement brillants et totalement indépendants du violoncelle. Sperger repousse les limites techniques de son instrument en élargissant son registre aigu, de telle sorte à favoriser l’émission des harmoniques, et en prévoyant de nombreuses figures de bariolage. Dans son Quatuor enmajeur, on constatera que c’est le violoncelle qui tient la ligne de basse, et que la contrebasse, dans un rôle soliste très travaillé, le domine!

[highlight color= » background_color=’#005595′]Joseph Haydn[/highlight] a lui aussi composé un concerto pour contrebasse, mais il est hélas! aujourd’hui perdu; et il a mis l’instrument en valeur dans quelques-unes de ses symphonies. Haydn reste bien sûr le grand artisan du quatuor à cordes, genre qu’il cultiva toute sa vie et qu’il porta à un premier sommet de perfection. Le Quatuor opus 42 est un des plus brefs de la production de sa maturité. Le premier mouvement, sans ostentation, sert d’introduction à un menuet de proportions parfaites. Suivent une sorte de cavatine méditative d’esprit mozartien et un finale combinant la forme sonate et la fugue.

Les divertimentos et les cassations qui virent le jour dans les années 1760 sont encore conçus comme des œuvres d’esprit galant et relèvent des pratiques du Baroque. Dans le Divertimento en sol majeur Hob.II.1, composé par Haydn un an avant son engagement chez les Esterhazy, tous les instruments sont traités en solistes, le violoncelle occupant alors le registre médian et la contrebasse assumant seule le fondement – le hautbois de la version originale est remplacé ce soir par un alto. Ingéniosité, unité et diversité, ampleur des développements, audaces harmoniques sont bien ici la signature de Haydn.

© François Filiatrault, 2014.

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