Chers amis mélomanes,

Nous aurons le privilège de partager avec vous la musique d’un compositeur de grande valeur. Friedrich Hartmann Graf fut à l’image de son siècle. Suivant l’évolution du goût, il quitte l’entrelacs des mélodies, fioritures et fugues du baroque pour adhérer aux  principes de contraste, forme et symétrie du nouveau style classique, alors synonyme de liberté et d’exploration des sentiments naturels. C’est par l’entremise de mon seul et unique professeur de flûte traversière, M. Marten Root, que j’ai découvert lors de mes études à Utrecht aux Pays-Bas il y a de cela une vingtaine d’années, ce compositeur allemand. En quête de musiques toujours « nouvelles », malgré les siècles qui nous séparent de leur création, je me suis rendu compte auprès de M. Root qu’il vaut vraiment la peine de réaliser des recherches poussées pour retrouver ces musiques tombées à tort dans l’oubli. C’est beaucoup grâce à lui que, tel un gardien de la mémoire, j’entretiens la flamme en partageant ces parcelles de l’immense toile de la création humaine avec vous, mon cher public. Je vous souhaite donc le plus beau des concerts.

Bon concert!

Francis Colpron

 

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Friedrich Hartmann Graf

Friedrich Hartmann Graf

Parmi les nombreux compositeurs du XVIIIe siècle dont les œuvres, après un oubli plus ou moins profond, suscitent aujourd’hui l’intérêt des interprètes et des mélomanes figure Friedrich Hartmann Graf. Contemporain de Joseph Haydn, il mena, contrairement à lui, une carrière marquée par de nombreux déplacements et en grande partie associée à une institution toute nouvelle à l’époque, le concert public.

Né à Rudolstadt le 23 août 1727, Friedrich Hartmann Graf, ou Graff, fait son premier apprentissage musical auprès de son père Johann Graf (un exact contemporain de Bach à un an près), violoniste, hautboïste et maître de musique de la Cour, et il se familiarise principalement avec la flûte tout en étudiant les fondements de la composition. D’abord engagé comme tambour dans un régiment hollandais, le jeune homme, après avoir été blessé, est fait prisonnier par les Anglais. Regagnant sa terre natale en 1759, il s’établit à Hambourg, où il se produit comme flûtiste et organise des concerts publics, ce qui ne l’empêche pas de faire des tournées en tant que virtuose ailleurs en Allemagne ainsi qu’en Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie et en Suisse.

En 1764, on retrouve Graf à Burgsteinfurt, non loin de Münster, comme membre de l’orchestre du comte Carl von Bentheim-Steinfurt. Ce dernier et son fils sont des flûtistes passionnés et il est fort possible que Graf ait composé ses Quatuors pour deux flûtes, alto et violoncelle à leur intention. De 1768 à 1772, notre musicien, invité à La Haye par son frère aîné Christian Ernst Graf, qui en est le directeur, se joint à la chapelle du Stathouder général des Provinces-Unies, Guillaume V d’Orange-Nassau. Comme quelques autres musiciens étrangers, Graf, tout en étant membre de l’orchestre, jouit également du statut de soliste et il sera amené à se produire dans d’autres villes des Pays-Bas.

Puis, Graf s’installe en 1773 à Augsbourg, où il est directeur musical des églises protestantes et cantor du lycée Sainte-Anne. En plus de publier quelques œuvres de musique de chambre, il fonde en 1779 une société de concerts publics qui contribue fortement à la vie culturelle de la ville; et il est reçu la même année membre étranger de l’Académie royale de musique de Suède. De 1783 à 1785, Graf prend à Londres la direction, avec le violoniste Wilhelm Cramer, des Professional Concerts donnés aux Hanover Square Rooms, et l’Université d’Oxford le fait Docteur en musique en 1789. Il revient par la suite à Augsbourg, où il meurt le 17 août 1795, tout juste avant son soixante-huitième anniversaire.

La musique de Graf remportait en son temps beaucoup de succès si l’on en juge par la quantité de ses compositions qu’on retrouve un peu partout en Europe. Plusieurs nous sont parvenues grâce à Hans Rudolf Rosenkrantz Giedde, valet de chambre à Copenhague du prince héritier de Suède de 1785 à 1800, qui a rassemblé une vaste collection de partitions de musique de chambre, le plus souvent avec flûte, imprimées ou recopiées par ses soins. Représentante de la sensibilité associée au style galant, la traversière était au XVIIIe siècle un des instruments préférés des amateurs distingués – sans doute aussi en raison de la relative facilité d’en jouer et de l’entretenir, alors que le hautbois ou le cor demandaient des musiciens professionnels.

On l’a vu, Graf s’est beaucoup impliqué dans l’organisation de séries de concerts publics, une institution qui allait mettre à la portée de tous les musiques autrefois destinées aux cours aristocratiques. Non seulement cette nouveauté amène-t-elle un formidable développement des formes et des genres musicaux, mais elle élargit également les débouchés professionnels des compositeurs et des musiciens, ceux-ci pouvant, détail intéressant, être assurés d’un travail en passant d’une ville à une autre – ce qui a été souvent le cas de Graf lui-même.

Qu’il suffise d’évoquer le Concert spirituel à Paris, les Bach-Abel Concerts à Londres ou les concerts du Gewandhaus de Leipzig, qui remplacèrent, exemple parmi d’autres, ceux du collegium musicum dirigé un temps par Bach et essentiellement formé d’étudiants…

Les œuvres de Graf entendues ce soir vont du style galant, dernière manifestation du Baroque musical, à l’élégance classique qui marque la musique de chambre pratiquée presque partout en Europe à partir des années 1770. Le premier est illustré par une Sonate pour flûte et basse [continue], dont les tournures et le dernier mouvement en forme de variations rappellent Carl Philipp Emanuel Bach. De la seconde relève le foisonnement d’idées d’un charme très personnel de ses trios, quatuors et quintettes. Ces idées s’enchaînent dans une structure donnant parfois l’impression d’un certain relâchement, mais il en résulte des passages d’une atmosphère qui ne manque pas de poésie. Par sa beauté mélodique et son ingéniosité, la musique de chambre de Graf, comme d’ailleurs ses concertos pour flûte et pour violoncelle, n’aurait pas dépareillé le catalogue du jeune Haydn.

© François Filiatrault, 2018

 

FRANCIS COLPRON ET LES BORÉADES INTERPRÈTENT TELEMANN

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