Six transcriptions

Transcriptions de Sonates et fantaisies pour flûte à bec seule
Bach, Telemann, Paganini, Tartini et Marais

Le principe de la basse continue caractérise à peu près toutes les productions musicales de l’époque baroque. Dans la musique de chambre, à part celles écrites pour le clavier, même les œuvres nommées «solos» ne pouvaient se passer de cet accompagnement! Quelques rares compositions cependant furent écrites pour un instrument mélodique avec la mention spécifique de «senza basso».

À côté des bien connues sonates et suites pour violon et violoncelle seuls de Bach, la flûte à bec et la flûte traversière connaissent alors un précieux répertoire soliste au vrai sens du terme, à la fois délicat, ingénieux et virtuose, et dans lequel l’instrument se livre à quelque confidence ou se prête à une sorte de dialogue intérieur, comme pour se jouer de la solitude. Ainsi pour se jouer de la solitude consentie et pour le bénéfice de cet enregistrement, Francis Colpron emprunte au répertoire pour cordes des œuvres virtuoses de Bach, Telemann, Tartini, Paganini et Marin Marais et en fait des transcriptions.

Bien qu’à l’époque la mélodie se présente comme le principal moyen de l’expression musicale, ces transcriptions pour flûte à bec seule illustrent une des données premières de l’esthétique du temps, car, aux limites des possibilités techniques de l’instrument, c’est de l’illusion qu’elles nous offrent. Et, phénomène typique du Baroque, l’illusion est d’autant plus saisissante que l’auditeur sait qu’elle résulte de l’ingéniosité du musicien, le plaisir et l’émerveillement découlant justement pour lui de se savoir trompé!

Le choix des œuvres

À l’époque baroque, c’est la flûte à bec alto en fa qui est retenue comme instrument soliste, mais on joue également des petites flûtes en do et en ré. Avec sa perce dorénavant conique et ses sections ajustables, elle atteint vers 1700 un haut niveau technique, stimulée en cela par sa rivalité avec la traversière : on confie à sa sonorité claire et fruitée d’innombrables gammes et arpèges, et elle ne craint pas les traits de grande virtuosité. Dans ces transcriptions d’œuvres issues du répertoire pour cordes la mystification est atteinte : artifices, fausse polyphonie obtenue par l’alternance rapide de notes et de courts motifs dans l’aigu et le grave, jeux de questions et de réponses qui évoquent une conversation entre différents caractères ou encore un dialogue intérieur n’a d’égale que les superbes musiques auxquelles ces transcriptions sont issues. Colpron fait en sorte que l’auditeur, dans une sorte de trompe-l’oreille — comparable au trompe-l’oeil pictural si populaire à l’époque —, ait l’impression d’entendre non pas l’original mais un original transfiguré.