En présivion de notre concert Weimar au temps de l’avent, en collaboration avec le Choeur Saint-Laurent et la Fondation Arte Musica, nous vous proposons la notre de programme signée Gilles Cantagrel.

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Premier dimanche de l’Avent : avec la cantate Nun komm der Heiden Heiland (I) (Viens donc, Sauveur des païens) BWV 61, Bach tient à marquer avec éclat l’entrée dans l’année liturgique. Aussi le chœur initial tient-il de l’ouverture à la française en trois parties, les première et dernière en rythme pointé, « avec la pompe d’un cortège royal qui marche au-devant du Messie ». Mais du tissu instrumental s’élèvent par quatre fois les périodes du choral. On remarquera que les voix entrent du soprano à la basse, c’est-à-dire de l’aigu au grave, pour marquer l’Incarnation, la descente attendue de Dieu parmi les hommes. Il appartient ensuite au ténor, voix de l’espérance, d’accueillir le Sauveur dans l’Église au nom de la communauté des fidèles. Solennel, le récitatif de basse, la voix du Christ, laisse celui-ci annoncer qu’il veut établir sa demeure en chacun des fidèles, par les mots mêmes tirés de l’Apocalypse. Conclusion fervente et joyeuse par le soprano, voix de l’âme heureuse, qui répond illuminée déjà par la lumière de la grâce, pour accueillir à son tour le Rédempteur et accéder un jour au bonheur éternel qui lui est promis. Le choral final est chanté sur un cantique de l’Épiphanie, l’étoile des bergers qui manifeste la naissance du Christ aux fidèles qui l’attendent.

Après l’Incarnation se manifeste la confiance en Dieu. La cantate Was Gott tut, das ist wohlgetan (Ce que Dieu fait, cela est bien fait) BWV 99 se fonde sur un célèbre choral que Bach a souvent traité – c’était apparemment essentiel pour lui –, le « cantique de la Croix et de la consolation », c’est-à-dire de la consolation apportée par Dieu aux souffrances de la vie terrestre. Puisque tout ce que fait Dieu est bien fait, il suffit au chrétien de le laisser agir en toute confiance. C’est bien l’enseignement que rapporte l’Évangile : « Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. » Dieu veille sur le fidèle comme un père sur son enfant, il le protège dans l’adversité, il faut donc lui maintenir sa foi et sa confiance. On peut rapprocher cette position spirituelle de celle de l’acception de son sort, elle aussi souvent traitée par Bach. Le choral irrigue toute la partition, dont la première strophe est intégralement entendue dans le chœur d’entrée, au sein d’une allègre sinfonia instrumentale. L’aria de ténor développe l’image du choral, de l’accablement de la première partie à la confiance qu’il met dans le secours divin de la deuxième partie. Quant au duo, il se déroule dans le climat général d’une tristesse accablée, celle des souffrances s’attaquant insidieusement au corps de l’homme. Conclusion par la dernière strophe du choral.

Chef-d’œuvre que la cantate Mit Fried’ und Freud’ ich fahr dahin (Dans la paix et la joie, je m’en vais) BWV 125, qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle paraphrase du Cantique de Siméon. Bach a souvent traité ce thème, essentiel à ses yeux. La mort n’est pas un drame, dit-il, c’est le moment où je vais enfin m’endormir dans la paix, et même dans la joie puisque dans l’espoir d’une vie nouvelle, à venir. Comme le dit la première strophe : « La mort est devenue mon sommeil ». Quand bien même les affres de l’agonie pourraient-elles faire perdre tout espoir au chrétien, il sait que le Christ veille sur lui et le protège. C’est bien là l’œuvre du Christ, lui qui est la vie et le salut de l’humanité. La lumière de sa grâce éclaire la terre, et c’est en ayant la foi et en suivant cette lumière que son peuple sera appelé, au-delà de la mort terrestre, à goûter la bienheureuse vie éternelle qui lui est promise. Tel est le thème d’un très beau et très simple cantique, dont le texte et la musique ont été écrits par Luther en personne. Comme il aime à le faire, Bach traite ce chœur introductif en une ample fantaisie de choral. Ce n’est pas une marche funèbre, mais celle du chrétien illuminé par la foi qui se rend « dans la paix et la joie » vers la mort, c’est-à-dire vers la vie surnaturelle. La bouleversante aria de l’alto est une méditation déchirante et sereine à la fois sur la mort. Mais la consolation arrive, avec la lumière miraculeuse qui envahit la terre dans les derniers morceaux de la cantate.

Originellement destinée au troisième dimanche de l’Avent à Weimar, la cantate Ärgre dich, o Seele, nicht (Ne t’irrite pas, mon âme) BWV 186 reprend l’essentiel de la première version dont la partition est perdue. C’est de l’opposition entre l’abondance et la pauvreté qu’il s’agit ici, de l’abondance des biens sur terre, tentation diabolique, face au dénuement que Jésus peut combler, et que sa grâce peut apaiser jusqu’à satiété. Le livret commence par évoquer la pauvreté dans laquelle Dieu a voulu s’incarner, sous les traits d’un humble serviteur. Il n’y a pas lieu de s’en irriter, car la richesse des biens matériels relève de l’esprit du mal qu’il faut éviter, tandis qu’il n’y a pas à redouter la pauvreté ni la débilité éphémère de son enveloppe charnelle si l’on songe à Jésus, pauvre parmi les pauvres. Un grand motet ouvre cette cantate très développée, suivi des divers morceaux qui en développement l’enseignement, jusqu’au choral final qui est celui d’un vieux cantique du fonds luthérien.

© Gilles Cantagrel, 2016
Reproduit avec la permission du Musée des beaux-arts


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