Avant-propos

Les Boréades tourne en Belgique en février 2014

En collaboration avec les Jeunesses Musicales de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les musiciens des Boréades, Francis Colpron, Olivier Brault, Mélisande Corriveau et Eric Milnes, entameront la nouvelle année par une tournée en Belgique d’une quinzaine de jours qui les mènera dans plusieurs régions de la Wallonie dès le 2 février 2014, et ce jusqu’au 15 février. Des concerts auront lieu notamment à Mouscron et Kain dans la province de Hainaut, à Waterloo, située au sud de Bruxelles et à Namur, également de la Région wallonne.

Pour connaître les détails, consultez la section Tournées du site des Boréades. Nous vous référons également au texte de Francis Colpron L’Opéra, Théâtre et musique aux siècles baroques. L’exubérance baroque animée par Francis Colpron en lien avec la tournée en Belgique. L’exubérance baroque animée par Francis Colpron.

Un nouveau titre pour le nouvel Album

Contrairement à ce qui avait été annoncé dans la Brève du 9 juillet 2013, le nouvel Album qui initialement avait pour titre Colpron Senza Basso aura pour nouveau titre Six transcriptions.
Nous vous invitons à lire le texte suivant de Francis Colpron donnant des précisions sur les transcriptions pour la flûte à bec d’œuvres pour violon.

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SIX TRANSCRIPTIONS

[dropcaps type=’circle’ color= » background_color=’#005595′ border_color= »]L[/dropcaps]es transcriptions pour la flûte à bec d’œuvres pour violon que je propose demandent quelques éclaircissements. D’abord, il faut dire que les musiciens se sont de tout temps servi des instruments dont ils disposaient et que les répertoires tablant sur les caractéristiques spécifiques de ceux-ci n’apparaissent, et fort lentement, qu’au cours du XVIIIe siècle. Et encore, cela n’a pas empêché ultérieurement les adaptations et arrangements de toutes sortes des morceaux les plus populaires, comme les transcriptions pour piano faites par Liszt des Symphonies de Beethoven, entre autres exemples.

À l’époque baroque, les compositeurs – ou les éditeurs, pour augmenter leurs chiffres de vente – proposent diverses façons de jouer leurs œuvres. Marin Marais indique dans la préface d’un de ses livres de pièces de viole que celles-ci peuvent se jouer à tous les instruments, et Telemann donne le choix aux interprètes dans quelques duos sans basse en mettant parfois deux clés sur la portée d’une partie de violon, la seconde sonnant une tierce plus haut pour accommoder  la flûte à bec.

[blockquote text=’…bien que ce soit mon instrument, je déplore la relative pauvreté du répertoire de la flûte à bec…’ text_color= » width=’75’ line_height=’undefined’ background_color= » border_color=’#005595′ show_quote_icon=’yes’ quote_icon_color= »]

En fait, bien que ce soit mon instrument, je déplore la relative pauvreté du répertoire de la flûte à bec; même si elle était très populaire jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, celui-ci n’est pas toujours intéressant ni très virtuose. D’où la tentation de transposer des œuvres pour violon… C’est une musique dont je me sens proche et j’ai eu beaucoup de plaisir déjà à jouer des sonates de Fontana, d’Uccellini et de Schmelzer, parmi les grands violonistes du XVIIe siècle.

Mais les défis musicaux sont parfois de taille! D’abord, l’ambitus du violon est beaucoup plus étendu que celui de la flûte à bec, tant dans l’aigu que dans le grave. Puis, bien qu’il ne puisse jouer que deux sons à la fois – c’est le jeu de doubles cordes –, le violon peut rendre l’harmonie par des accords brisés, des figures de bariolage, des arpègements rapides, tandis que la flûte est totalement monodique. Enfin, la dynamique du violon est très étendue, alors que la flûte sonne un peu comme un tuyau d’orgue; il faut rendre le son souple et flexible et c’est un défi expressif tout autant que technique.

Je fais toutefois confiance à mon instrument! On peut transcrire l’harmonie par des accords brisés, c’est-à-dire en jouant successivement et très rapidement les notes des accords, tout en mettant l’accent sur certaines notes plus importantes par un léger appui. C’est cette possibilité qui m’a fait choisir certaines des variations de Tartini sur une gavotte de Corelli – j’en joue une trentaine sur les cinquante proposées dans la dernière édition de L’Arte dell’arco. Quand on a au violon des passages en successions de tierces, permis par les doubles cordes, on garde bien sûr les notes porteuses de la mélodie, la tierce n’apportant qu’une couleur, qu’on essaiera de rendre par d’autres moyens.

Comme les autres instruments, la flûte peut jouer sur l’agogique – modifier légèrement la longueur des notes dans le cadre rythmique – tout aussi bien que sur la façon d’enchaîner les notes, montrant toutes les nuances du legato au staccato. Sur la façon de faire les sons, Geminiani préconise aussi, dans ses traités, parus en Angleterre, le « swell », autre nom de la messa di voce, jusque là apanage des chanteurs. Il s’agit d’augmenter et de diminuer l’intensité sonore d’une même note tenue plus ou moins longtemps, comme pour lui donner du relief ou mieux l’habiter. C’est difficile à faire sur la flûte à bec, mais pas impossible; l’essentiel est de rester juste. On doit également changer parfois la tonalité du morceau original, prendre celle qui convient le mieux à la flûte, à son plus beau registre et à ses possibilités techniques.

Enfin, corollaire du choix tonal, on peut également choisir sa flûte, puisqu’elle existe en plusieurs formats. Pour la Partita de Bach – dont on n’est pas certain qu’elle ait été destinée à la traversière –, je prends la flûte la plus courante, une alto en fa. De même pour les Variations de Tartini et le Caprice de Paganini – une pièce de concours à laquelle j’ai dû me frotter pour mon examen de Premier Prix au conservatoire d’Utrecht et qui me fascine depuis. Pour Les Folies d’Espagne de Marin Marais, j’emploie une flûte en sol d’après Ganassi, et pour les Fantaisies de Telemann, une flûte « pastourelle » en . Ce qui est fondamental, dans cet emprunt amical au violon, c’est de garder le caractère de chaque morceau, qu’il soit ludique ou expressif.

[blockquote text=’un parallèle s’impose avec la traduction langagière : traduire demande la connaissance des deux langues, tant celle de départ que celle d’arrivée…’ text_color= » width=’75’ line_height=’undefined’ background_color= » border_color=’#005595′ show_quote_icon=’yes’ quote_icon_color= »]

En énumérant ces adaptations, un parallèle s’impose avec la traduction langagière : traduire demande la connaissance des deux langues, tant celle de départ que celle d’arrivée, pour rendre un sens équivalent, même, et peut-être surtout, en s’éloignant de la simple transposition littérale. Ce passage n’est jamais parfait – Traduttore, traditore. Chaque langue, en effet, a son génie propre, sa façon de découper la réalité, sans compter que plusieurs traductions sont possibles d’un même texte. Il y a peut-être une forme de trahison dans la transcription musicale, mais comme l’art des sons ne véhicule ni idée, ni concept, seul le plaisir change (un peu) de visage, ce qui ne risque de causer aucun tort…

© Francis Colpron, 2014.

Propos recueillis par François Filiatrault

 

Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énerve le sens! C’est bien là qu’on peut dire que la lettre tue, et que l’esprit vivifie.
Voltaire, Lettres philosophiques, 1734.

Il n’y a donc qu’un moyen de rendre fidèlement un auteur, d’une langue étrangère dans la nôtre : c’est d’avoir l’âme bien pénétrée des impressions qu’on en a reçues, et de n’être satisfait de sa traduction que quand elle réveillera les mêmes impressions dans l’âme du lecteur. Alors l’effet de l’original et celui de la copie sont les mêmes; mais cela se peut-il toujours?
Denis Diderot, Éloge de Térence, 1762.