Il nous fait plaisir de reproduire ici une excellente critique de l’enregistrement Six Transcriptions paru dans les publications du Toronto Early Music Center.

 

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Voici un CD intriguant qui saisit votre oreille dès son commencement grâce à la pureté, la limpidité et l’espièglerie de sa sonorité. Au-delà d’une technique parfaitement maîtrisée, qui est démontrée durant l’entièreté de l’album, nous trouvons une musique exécutée avec aisance et amenée à son point le plus raffiné. Elle chante la jeunesse, l’énergie et la continuité infinie. Colpron a choisi des compositeurs du XVIIe siècle au XIXe, créant une connexion, un arc entre ces trois siècles, qui dément la rumeur comme quoi la musique du XIXe serait totalement déconnectée de celle du XVIIe. Parmi ses transcriptions, on trouve Marin Marais (Variations sur Les Folies d’Espagne pour viole de gambe [jouée en si mineur]), Georg Philipp Telemann (Fantasia pour violon solo no 8 en mi mineur TWV 40 : 21, 1735 et Fantasia pour violon solo no 4 en ré mineur, TWV 40 : 17, 1735), J. S. Bach (Partita pour flûte solo en la mineur, BWV 1013 [jouée en do mineur]), Giuseppe Tartini (Variations sur la Gavotta de la Sonate de Corelli Op. 5 no 10 pour violon solo en fa majeur [jouée en si bémol majeur]), et Niccolo Paganini (Caprice pour violon no 24 en la mineur).

Une citation présente dans le livret révèle les intentions du projet : « Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énerve le sens! C’est bien là qu’on peut dire que la lettre tue, et que l’esprit vivifie. » (Voltaire, Lettres philosophiques, 1734). Colpron n’a donc pas ignoré les intentions des compositeurs, il a conservé l’esprit voulu, ne jouant pas nécessairement chaque note indiquée par la partition. Les idées des auteurs sont totalement respectées. Son jeu comporte une force et un aspect mercurien qui sont irrésistibles pour l’auditeur; l’album n’est que pur esprit. L’auteur de ces lignes trouva même que la subtilité de l’interprétation de Colpron était encore plus décelable quand l’album était joué à un volume plus bas que la normale.

On trouve aussi dans le livret un texte de quatre pages écrit par Colpron, intitulé « Mots de Francis Colpron », discutant du répertoire choisi et des multiples flûtes utilisées, le tout accompagné de l’histoire de la transcription. Au XXe siècle, la transcription était sans aucun doute considérée comme un art tertiaire, et la raillerie la concernant était très évidente. Cependant, les maîtres de musique ancienne ne semblaient aucunement en être dérangés. Une courte citation du texte l’illustre tout à fait : « D’abord, il faut dire que les musiciens se sont de tout temps servis des instruments dont ils disposaient et que les répertoires tablant sur les caractéristiques spécifiques de ceux-ci n’apparaissent, et fort lentement, qu’au cours du XVIIIe siècle. Et encore, cela n’a pas empêché ultérieurement les adaptations et arrangements de toutes sortes des morceaux les plus populaires, comme les transcriptions pour piano faites par Liszt des Symphonies de Beethoven, entre autres exemples. »

Les nombreuses flûtes utilisées par Colpron dans cet enregistrement, remplaçant de ce fait le violon solo, défendent magistralement leur utilisation, et le musicien justifie son choix avec brio. Non seulement ne s’ennuie-t-on pas du tout du violon, mais son monopole de la musique classique est l’une des raisons secondaires qui font croire à l’auteur de ces lignes que cette musique est en train de vivre une éclipse partielle de sa propre culture. La musique centrée sur le violon domine nos stations radiophoniques. De la musique d’ambiance à l’interprétation musicale tout azimut, elle n’est plus appréciée à sa juste valeur par la génération qui est la nôtre. Les Six Transcriptions forment un album brillant qui redonne un souffle de vie à ces pièces connues, et qui devrait inspirer les véritables musiciens à ouvrir leur esprit et instrument afin d’explorer ce nouveau monde d’adaptation et arrangements musicaux.

Paul-James Dwyer 2016

Traduit de l’anglais par Léonore Colpron-Bergsma

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