Nous vous proposons la note de programme du concert Per l’Oboe mettant en vedette Alfredo Bernardini qui sera présenté le 13 février prochain à la Salle de concert du Conservatoire.

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[blockquote text= »Le hautbois, dont on peut quasiment dire qu’il parle, est des plus aimables lorsqu’il est convenablement joué.

Johann Mattheson,
Der vollkommene Capellmeister, 1739.

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« On trouve des instruments proches du hautbois, avec une embouchure à anche, dans les civilisations anciennes du Proche-Orient, ainsi qu’en Grèce, en Étrurie et à Rome, où ils étaient connus sous le nom d’aulos ou de tibiæ. »1

« Durant de nombreux siècles, la musique instrumentale vécut plutôt dans l’ombre de la musique vocale; celle-ci en effet était cultivée dans le monde de l’église, et de ce fait elle jouissait d’une situation prédominante. Les instruments avaient plutôt une fonction d’accompagnement. »2 « [À cause de sa puissance sonore, l’ancêtre du] hautbois, qui s’est diffusé dès la fin de l’époque médiévale, faisait partie des instruments destinés aux fêtes de la cour et aux divertissements populaires. Jusqu’au XVIe siècle, [il] a gardé une forme très simple, un tube conique en bois, avec une embouchure à anche double, six trous sur la face supérieure et un pavillon évasé. »1

« Le facteur d’instruments, dans la mesure où il s’était vraiment spécialisé dans la construction d’instruments de musique, ne bénéficiait pas non plus d’une considération particulière. Les vents étaient souvent fabriqués par des tourneurs de pieds de chaise, à côté de leur activité principale; et personne, à vrai dire, ne songeait que la construction d’une flûte, ou d’un chalumeau, pût constituer un chef-d’œuvre. […] Mais une transformation intervient au moment où l’on passe de la Renaissance à l’âge baroque. L’artiste prend conscience de lui-même et s’identifie avec ce qu’il crée. […] L’instrument n’est plus le sous-produit du travail d’un artisan qui est d’abord tourneur de corne ou de pieds de chaise; maintenant on doit souvent chercher à une grande distance l’instrument qu’on veut se procurer. […] Les premiers centres de construction d’instruments naissent; Nuremberg acquiert une situation importante, où des facteurs de bois, tels la famille Denner, les Oberlender et Löhner, vivent et exercent leur activité. Paris également est un centre important. Un catalogue datant de l’année 1692 énumère treize maîtres ’’pour le jeu et pour la fabrique des flûtes, flageolets, hautbois, bassons, musettes…’’. Amsterdam et Londres aussi ont été la résidence de maîtres compétents. »2

« Il est difficile de dire avec précision quand [ce qu’on nomme dorénavant] hautbois a été inventé. […] Sa transformation fut plutôt un processus de sélection qu’une véritable invention. Et pourtant on désigne souvent comme son inventeur Jean de Hotteterre, mort en 1691, et des membres de la famille Philidor, qui, dès 1650, étaient engagés comme musiciens dans la musique de la Grande Écurie. »2 « Grâce aux transformations apportées par les facteurs français, l’instrument se fixa dans sa structure fondamentale à trois sections. Séduits par sa sonorité brillante et la richesse de son timbre, qui se prêtait particulièrement à la restitution des atmosphères pastorales, les musiciens de la cour de Louis XIV introduisirent le hautbois dans l’orchestre. »1 « Dans les capitales allemandes, on ne tarda pas à s’intéresser à ce type de construction et l’on engagea des Français pour jouer dans les orchestres de cour et assurer la formation de leurs collègues allemands. »2

« Au siècle suivant, on lui ajouta des clés, dont le nombre devait augmenter par la suite, et plusieurs compositeurs confièrent à l’instrument un rôle soliste important, en soulignant son timbre pénétrant et sa capacité à atteindre une grande douceur et une expressivité intense, en particulier dans le registre moyen. Ainsi sa grande musicalité lui a fait jouer un rôle fondamental dans la musique de l’époque baroque. […] D’autres instruments au registre plus grave appartiennent à la même famille. Parmi eux, le hautbois d’amour, à la sonorité douce et suave, et le hautbois de chasse, improprement appelé cor anglais, que Bach associera à plusieurs cantates. »1

Dès le début du XVIIIe siècle, les compositeurs, partout en Europe, emploient le hautbois comme soliste, tant dans le concerto que dans la musique de chambre. Bien que de nombreuses éditions de sonates en trio laissent entendre que les instruments de dessus sont plus ou moins interchangeables, le hautbois reçoit vite des parties spécifiques. Il sera bientôt partie intégrante de l’orchestre, ne se contentant plus de seulement doubler les violons. Cette présence s’amorce dans les théâtres d’opéra, avant que se constitue le premier orchestre « symphonique », par l’adjonction de deux hautbois et deux cors à l’ensemble des cordes – la distribution des premières symphonies de Haydn et de Mozart.

Georg Philipp Telemann

Georg Philipp Telemann a illustré tous les instruments de son temps; il écrit dans une de ses autobiographies qu’il s’est familiarisé très tôt, « en dehors des instruments à clavier, du violon et de la flûte à bec, avec le hautbois, la traversière, le chalumeau, la viole de gambe, et jusqu’à la contrebasse et au trombone basse ». Pas étonnant que ses innombrables compositions exploitent de façon incomparable les possibilités de chacun! Sa Musique de table, consistant en trois vastes recueils publiés en 1733, comprend parmi les plus beaux exemples de sa musique instrumentale, exploitant toutes les combinaisons possibles, de la sonate à la suite d’orchestre. Y prennent place d’importantes participations du hautbois, notamment dans le remarquable Quatuor pour flûte traversière, hautbois, violon et basse continue en sol majeur du premier groupe, avec ses deux premiers mouvements opposant deux tempos différents. Les instruments partagent bien sûr un même matériau thématique, mais chacun développe aussi ses propres motifs; Telemann, en effet, veut donner « à chaque instrument ce qui lui convient », afin que tous y prennent du plaisir. C’est sans doute pourquoi il a beaucoup cultivé le quatuor, un genre nouveau moins convenu et plus libre que le trio.

Johann Friedrich Fasch figure parmi les compositeurs allemands les plus intéressants de la première moitié du XVIIIe siècle. D’abord élève de Johann Kuhnau à Leipzig et grand admirateur de Telemann, il fut, après un séjour à Dresde, toute sa vie au service de la cour de Zerbst. Il a composé une œuvre instrumentale considérable où les vents occupent une place de choix, agencés avec un grand sens de la couleur, mais, restée inédite en son temps, elle est difficile à dater avec précision. Retrouvé à Darmstadt, son Quadro pour flûte à bec, hautbois, violon et basse continue en si bémol majeur mêle des traits issus de Corelli, comme son important deuxième mouvement fugué, au tour plus moderne de son Grave, d’une atmosphère légère et brumeuse.

Bien que la flûte ait été particulièrement à l’honneur à la cour de Prusse — rappelons que Frédéric II en jouait avec talent —, les musiciens établis à Berlin n’ont pas négligé le hautbois. Johann Gottlieb Janitsch, contrebassiste dans l’orchestre de la Cour et animateur important de la vie musicale berlinoise, avec ses très courues Académies du vendredi, lui réserve une place de choix dans les quelques dizaines de sonates à quatre qu’il nous a laissées – elles suivent après 1750 la découpe en trois mouvements de l’école de Berlin. « Leur invention mélodique est remarquable par sa variété et sa fraîcheur », aux dires de Christopher Palameta, et on y retrouve tant les façons du nouveau style galant que des pointes d’expression relevant de l’Empfindsamkeit.

Christoph Schaffrath et Johann Philipp Kirnberger appartiennent eux aussi à l’école de Berlin. Le premier était claveciniste dans l’orchestre de la Cour et le second, musicien de la princesse Anna-Amalia, sœur de Frédéric II, mélomane avertie et compositrice à ses heures. La Sonate en trio pour violon, hautbois et basse continue en sol mineur de Schaffrath renvoie à un genre déjà vielli en 1760, année de sa composition. Mais son ampleur est peu commune : à un premier mouvement très développé, plein de motifs en imitation succède un Largo pensif en mode majeur, avant le retour de la tension dans le Presto final. Johann Philipp Kirnberger, un ancien élève de Bach à Leipzig, était essentiellement un théoricien; au milieu d’une production peu abondante, on a de lui quatre sonates pour flûte et basse continue ainsi qu’une Sonate pour hautbois et basse continue en si bémol majeur, composée en 1769. Encore ancrée dans la forme baroque, elle se termine dans un esprit galant par un menuet avec variations, comme souvent chez son ami Carl Philipp Emanuel Bach. Mais pour archaïque qu’elle soit, elle n’en est pas moins tout à fait charmante…

 

© Choix des citations et texte : François Filiatrault, 2019.

 

1 Alberto Ausoni, La musique, Hazan, 2006.
2 Gunther Joppig, Hautbois et Basson, Payot, 1981.

 

ALFREDO BERNARDINI INTERPRÈTE TELEMANN

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LES BORÉADES INTERPRÈTENT LES SUITES ET CONCERTOS DE TELEMANN

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